Presse

A perte de voix

Extraits

Poétique de l’encre violette
Les treize nouvelles du dernier ouvrage de Joëlle Gardes, À perte de voix, se répartissent entre Version rose et Version grise. Treize portraits dessinés par les personnages eux-mêmes, le plus souvent à la première personne, dans une délicate mise en soupçon des mots, des choses, des gens. La banalité prend un tour d’aventure, la distance entre vie rêvée et vécue se creuse, ciselée dans un style alerte dont la légèreté de surface laisse percevoir des abîmes pascaliens. On entre dans «la forteresse de chacun de nous», on apprend à se méfier de l’écriture comme Blanche, le personnage de la nouvelle éponyme, éprise, en grammairienne, de la clarté du langage, de ses règles subtiles, mais aussi découvrant le cri poétique, au-delà du corset des règles. Qu’est-ce qui fait que l’on est un auteur, un artiste, entre les velléités de création du Barbouilleur et Cézanne ? Joëlle Gardes interroge le monde par le biais de l’intime, du quotidien, effleure d’une douce ironie ses personnages. On sourit des fantasmes de l’héroïne de Eddie B. dont la plume s’emporte comme «un cheval fougueux», aspire à des amours échevelées en smoking blanc, et se contente des «slips bleus et des voitures cabossées» de Robert. Un parfum de Virginia Woolf plane sur la fabrication des crêpes ; la folie guette celui qui s’acharne à vouloir transcrire ses souvenirs et qui jamais n’en retrouve la saveur dans ses écrits… l’ouvrage se savoure jusqu’à la chute délicieusement féroce du «Béret de ratine». Pour l’encre violette ? Lisez ! Vous la trouverez essentielle !

Maryvonne Colombani, Zibeline, Juillet 2014

Voici À perte de voix de Joëlle Gardes, dont la sensibilité féroce, la subtilité d’analyse […] et la grave légèreté ne peuvent qu’emporter l’adhésion des férus de beaux textes. En treize nouvelles d’inégale longueur, l’auteur – qui est aussi poète (j’ai toujours pensé que la nouvelle était un genre intermédiaire entre poème et roman) – nous donne un panorama assez étonnant des sentiments humains, et si, curieusement, on se souvient peu de ses personnages, c’est qu’elle est chacun d’eux ; et que, paradoxalement, nous sommes tous elle au moment où nous la lisons. Deux parties (Version rose, Version grise), qui ne se répondent pas de façon totalement symétrique, constituent ce recueil qui est aussi une réflexion sur le langage et l’écriture. Donc sur le mensonge, mais avec une rare légèreté. […] Redoutable observatrice des mœurs familiales […], excellente critique littéraire […] c’est aussi une intransigeante moraliste qui ne se retranche jamais derrière la « morale » sociale ou les faciles conventions. […] Décidément, certaines lectures nous rendent plus intelligents.

Jacques Lovichi, La Marseillaise, dimanche 4 mai 2014.