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Louise Colet. Du sang, de la bile, de l’encre et du malheur

Extraits

Est-il possible d’être femme et intelligente et reconnue pour son travail ? Joëlle Gardes après avoir livré de belles pages sur Olympe de Gouges, en 2008, nous fait le cadeau d’une remarquable biographie de Louise Colet. […] L’écriture polyphonique s’orchestre entre deux temps de fiction, celui du retour en arrière, avec les mots de Louise Colet qui, vieillie et percluse d’arthrose revient sur sa vie, narration intime, délicate, révoltée, et une voix off, distanciée qui ramasse, resitue, raconte le présent de ce qui a été évoqué au passé, comblant certaines lacunes. Louise Colet, écrivain, poète… qui serait capable d’en citer une ligne, un titre hormis les spécialistes ? Et pourtant, elle est la seule femme à avoir reçu quatre fois le prix de poésie de l’Académie ! En fait, on la connaît par sa beauté et ses amants, essentiellement Gustave Flaubert. Leur correspondance est abondamment étudiée non pour découvrir une intellectuelle, une auteure du XIXème, mais pour percer les secrets d’écriture de l’auteur de Madame Bovary. On parle d’elle en miroir, en faire valoir des écrivains masculins qu’elle a aimés ou fréquentés, Musset, Vigny, Victor Hugo… Pourtant, engagée dans la politique de son époque, elle soutient le Risorgimento en Italie. « La révolution italienne, c’est la jeunesse, la poésie vivante, l’héroïsme, la grandeur, la pureté ». Elle agit, écrit, propose des réformes quant à l’éducation des filles, si négligée, compose des textes sur les institutrices. Féministe, elle s’insurge sur la violence mentale et physique faite aux femmes. […] Joëlle Gardes rend justice à cette auteure passionnée, méconnue jusque dans son midi natal qui devrait s’enorgueillir d’avoir vu naître le 15 août selon son acte de naissance, le 15 septembre selon le registre de la commune, Louise Révoil à Aix-en-Provence.

Maryvonne Colombani, Zibeline, mai 2015

Sous la plume de Joëlle Gardes, l’héroïne rejoint la longue cohorte des femmes oubliées. Dont Olympe de Gouges, pour ne citer qu’elle, qui s’est vu confisquer son talent de dramaturge et a péri sur l’échafaud.

Louise Colet est sans doute imparfaite. Pas vraiment une mère idéale, ni une épouse modèle. Mais elle est volontaire, enthousiaste… et insoumise. Comment admettre et supporter que quarante-trois années de vie de plume – de 1836 à 1879 ― se puissent réduire à néant ? Joëlle Gardes s’attache à rendre à Louise Colet son « vrai visage ». Louise Colet en son temps s’était attachée à semblable défi :

« Je croyais que mes écrits ne pouvaient faire que du bien, mais évidemment, la réserve n’a jamais été de mon fait et ma pire crainte à moi a été de ne pas jouir d’assez de publicité. En tout cas, j’en ai fait à ces femmes admirables, peut-être condamnées à l’oubli définitif sans les histoires que j’écrivais pour elles. J’ai toujours cru en la mission de l’écrivain et j’ai cherché à mettre mon talent au service de mes sœurs reléguées dans l’ombre […] ».

Une bien belle entreprise, et ambitieuse, que celle de Louise. Relayée dans Louise Colet par la lecture éclairante et passionnante de la romancière. Joëlle Gardes s’inscrit ainsi dans la noble lignée des femmes qui mettent leur talent « au service des sœurs reléguées dans l’ombre ». Elle s’inscrit contre. Contre ceux qui pensent et déclarent aujourd’hui encore, sans barguigner et à qui veut complaisamment l’entendre, que se battre pour la défense des femmes ― et, qui plus est, des femmes de lettres ― est décidément un combat dépassé ou « d’arrière-garde ».

Extrait de l’article d’Angèle Paoli sur www.terresdefemmes.com