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Dans le silence des mots

Extraits

Le titre du recueil est l’expression exacte du paradoxe entretenu tout le long du recueil comme un véritable fil conducteur. Dès le poème liminaire se font ainsi face l’animé et l’inanimé,  » l’oubli des voix  » et le souffle des choses « , le bruit et le silence :  » Je veux entendre …le silence des mots ». […] Joëlle Gardes est si près des choses qu’elle peut les chanter en oubliant de parler d’elle. L’oxymore permet finalement d’accéder à la vérité et s’exprime dans certaines formules véritablement magiques. C’est ainsi qu’en face du titre de la partie finale et décisive, on peut lire :  » Les yeux se ferment pour mieux voir ce qui ne se voit pas « , qu’il faut attendre les toutes dernières pages pour que le néant l’emporte sur les oppositions et que se boucle, dans le privilège de l’oubli évoqué dès les premiers mots et dans les dernières lignes encore, une pensée apaisée par la résolution des contraires.

[…]Avec une thématique qu’on pourrait qualifier de banale, si elle n’avait pas la beauté d’une simplicité voulue, l’auteure recrée un monde poétique, le revisite sans cesse, avec un regard nouveau tantôt joyeux tantôt désespéré. On peut parler, dans cette poétique, d’une véritable présence au monde réel, qu’il soit proche ou qu’il soit ailleurs, présence presque à chaque page inspirée et expirée :  » J’avale le monde dans l’air que je respire « . […]

Mais la diversité évoquée par la richesse étonnante des mots est révélatrice d’un malaise et c’est en arrivant à faire l’économie du langage que Joëlle Gardes peut trouver, dans un certain silence, sa voix et sa véritable musique. Dans l’élaboration de l’œuvre, la variété des thèmes et du vocabulaire propre à en balayer le champ, si elle exprime certainement un mal-être, n’est là que pour accéder à l’unique. L’économie de mots, témoigne, dès les premières pages, de cette philosophie du texte.

[…]À la fin, précédant le  » silence des mots  » qu’il faut comprendre comme un groupe nominal au génitif à la fois objectif et subjectif – on lit en effet :  » nous leur disons ce que nous avons tu au milieu de paroles vaines  » -, la fusion des contraires va s’effectuer pour que cette poésie tendue vers l’impossible trouve son sens. Alors, après  » la rencontre de la mer et du ciel sur l’horizon « , cette lumière qui rend aveugle va jaillir  » dans notre nuit  » avant que  » les paupières ( ne ) se ferment « .

France Burghelle Rey, 26 novembre 2011
france.burghellerey.over-blog.com

La poésie de Joëlle Gardes cherche à se maintenir sur l’arête étroite qui départagent deux paysages opposés mais contigus qui descendent et roulent vers l’abîme: le désespoir de la conscience et l’assurance du déclin de la matière dont nous sommes. En ce sommet où l’on se maintient avec peine reste le périlleux équilibre où l’on doit maintenir sa respiration : « Ne plus parler, ne plus bouger, sentir la pulsation de mon sang qui répond au vent dans les branches, au frisson sur l’eau ».

Vincent Vivès, Europe, mars 2009

Joëlle Gardes « use d’une langue limpide et pure où la sensibilité discrète affleure à chaque instant. Silence de surface et musique intérieure. Tout est dit et rien n’est dit, mais tout est perceptible. Une douleur sous-jacente irrigue cette quête faite de contrastes entre sa finalité et la réalité. […] Sans excès, mais avec la sérénité terriblement efficace d’un constat, les dernières pages nous conduisent au seuil de la tragédie. Que reste-t-il à vivre si l’on se situe dans l’entre-deux? Si l’on arrive au point où l’on refuse du même geste la lumière et l’obscurité, où l’on n’attend rien du soleil ni de la mort?

Jean-Max Tixier, Autre Sud, juin 2009.